Biochar – Le charbon d’origine végétale pour l’amendement des sols

Les vertus du charbon de bois étaient déjà connues par les habitants natifs des Amériques avant l’arrivée des Européens. Cependant, nous assistons depuis 2009 à une augmentation de l’intérêt lui étant portée. Cet intérêt accru depuis les dernières années coïncide avec la volonté de plusieurs à vouloir fixer le carbone atmosphérique.

Il est possible de brûler le charbon obtenu afin de produire de l’énergie. Cependant, ce même charbon possède également des capacités de filtration, d’élimination des odeurs et de rétention des nutriments du sol.char-pyrolyse_futuraSciences

Saviez-vous que la « terra preta » est un type de sol produit par l’homme et ayant une fertilité hors du commun? Ce sol contient une haute teneur en charbon de bois. Les natifs d’Amérique du sud ont fait l’application de charbon végétal pendant des années afin d’éviter le lessivage des nutriments et d’obtenir une productivité des terres suffisantes pour nourrir leur grande population.

Ce charbon de bois, utilisé pour l’amendement des sols est communément appelé « Biochar ». Vous trouverez à la fin de ce dossier, les liens vers une série de vidéos sur le sujet. Nous avons synthétisé ici les grandes lignes des cinq ateliers donnés par messieurs Bob Wells et Jon Nilsson, scientifiques des sols.

Bonne lecture et bon visionnement.

 

Pourquoi produire du biocharbon?

L’avantage environnementale de la production de biochar provient de la capacité des plantes à absorber le Co2. Ainsi, en transformant le bois, plutôt que de le laisser pourrir, on séquestre le carbone.

Évidemment, si on brûle le charbon de bois pour récupérer son énergie, au lieu de l’utiliser pour l’amendement des sols, on relâche le carbone qui avait été séquestré. Mais malgré cela, le charbon de bois reste avantageux en comparaison avec le charbon minéral. Ce dernier nécessite de l’énergie pour être extrait du sol, puis rejette dans l’air du Co2 qui n’était pas déjà dans l’engrenage du cycle du carbone.

 

Comment en produire?

Le concept général de la pyrolyse consiste à décomposer la matière par la chaleur en absence d’oxygène. Plusieurs méthodes existent, mais nous expliquons brièvement celle présentée dans les vidéos plus bas.

1) Remplir un premier baril de biomasse puis on le scelle.
2) Déposer ce premier baril dans un autre baril un peu plus grand.
3) Combler l’espace entre les deux baril avec de la biomasse.
4) Mettre de la biomasse sur le dessus également et y mettre le feu.
5) Fermer le gros baril d’un couvercle équipé d’une cheminée.
6) Des trous d’aération dans le bas du gros baril produisent un effet de succion et le feu descend sur les côtés.
7) La biomasse contenue dans le petit baril est chauffée et libère les gaz qu’elle contient.
8) Les gaz sont consumés mais l’oxydation et la combustion ne peut avoir lieu puisque l’apport en oxygène est nul.
9) Laisser refroidir.

Pas besoin de couper du bois vert dans le but de produire du charbon de bois. Il y a une foule de déchet de bois qu’on peut utiliser. Il faut tout de même faire attention de ne pas empoisonner son biochar, surtout si la production est destinée à l’amendement des sols. Par conséquent, attention aux métaux lourds, peintures, colles et clous galvanisés.

 

Quatre objectifs à garder en tête

Généralement, la raison principale menant à l’abandon d’un projet de biochar provient du manque de vision d’ensemble. Il ne faut pas voir la production de biochar uniquement pour l’énergie qu’il représente lorsqu’on le brûle.

Voici quatre objectifs à garder en tête lorsqu’on se lance dans un projet de production de biochar.

1) Produire le meilleur biochar possible

Un bon biochar présentera certaines caractéristiques qui ne trompent pas.

Vous pouvez d’abord l’inspecter visuellement. La matière doit être noire à l’extérieur. La présence de blanc signifierait qu’il y a eu une infiltration d’air et que du feu a transformé une partie de la biomasse en cendre. Ensuite, la matière doit également être noire à l’intérieur. Vous pourrez aisément casser le biochar pour voir s’il reste du brun à l’intérieur. Si c’est le cas, alors votre biomasse n’a pas chauffée suffisamment longtemps.

Après l’inspection visuelle, vous pouvez goûter à votre biochar. Monsieur Bob Wells, l’expert en production de biochar, affirme qu’il goûte à chacune de ses fournées afin de s’assurer de leur qualité. S’il est  bon, le charbon de bois ne devrait avoir aucun goût.

Puis finalement, attardez-vous aussi aux sons lorsque vous le manipulez. les charbons qui s’entrechoquent produisent un bruit étrangement métallique, ou semblable à du verre.

2) Éliminer le plus d’émission possible

En trouvant le bon dosage d’oxygène à fournir à votre système, vous serez en mesure de réduire les émissions provenant du processus de pyrolyse. Les gaz (ex. méthane, hydrogène, monoxyde de carbone) et les particules seront alors brûlés plutôt que d’être rejetés dans l’air. En plus de réduire l’empreinte carbone du procédé, vous en améliorerez l’efficacité énergétique.

3) Utiliser le plus possible l’énergie dégagée par le processus

graph_energy4Lors de la production du biochar, une grande quantité de chaleur / énergie est produite et libérée. Seulement 50% du pouvoir calorifique initial de la biomasse reste enfermé dans le charbon de bois.

Bien que l’équivalent de 10% de l’énergie contenue dans la biomasse soit consumé durant la pyrolyse. L’énergie restante est dégagée par le processus. Par conséquent, 40% de l’énergie sera perdue si on ne joint pas la production de biochar à un système de récupération de la chaleur.

Le système de Bob Wells et Jon Nilsson utilise cette chaleur afin de chauffer leurs bâtiments durant l’hiver. Ils chauffent ainsi leur serre durant la période froide et peuvent vendre à bon prix leurs produits agricoles hors saison.

4) Rendre le processus profitable pour le plus de personnes possibles

Les modèles d’affaires évoluent. Aujourd’hui, ce qui est rentable est de parvenir un modèle intégré de plusieurs services. Différentes combinaisons sont possibles afin de faire profiter le plus de personnes.

La situation présentée dans les vidéos « Biochar Workshop » est un bel exemple.

Dans une première étape, Bob récupère du vieux bois qui ne sert plus à d’autres gens. Il les débarrasse de quelque chose qui les encombre, tout en évitant que ce bois ne se retrouve dans un site d’enfouissement et y émette du méthane.

Ensuite, il récupère la chaleur dégagée par le procédé de production du biochar. L’hiver, il s’en sert pour chauffer ses bâtiments, économisant ainsi sur sa facture d’électricité. L’été, il met cette chaleur à la disposition des gens qui voudraient faire sécher leur bois dans son entrepôt.

Finalement, il fait l’épandage de son propre biochar dans ses champs afin d’en accroître la productivité. Puis, il vend l’excédant aux producteurs agricoles de sa région.

 

Pour aller plus loin

Les vidéos de la journée « Biochar Workshop » tenue par Bob Wells, Jon Nilsson et Patryk Battle.
Part 1 – How to make Biochar
Part 2 – Why to make biochar
Part 3 – The carbon cycle
Part 4 – The biochar facility
Part 5 – Biochar and the greenhouse

Un vidéo en français sur la production de biochar maison à petite échelle.
Création de biochar au Sénégal

Un dossier dans la revue française Futura Sciences.
Le biochar est-il un puits à carbone si efficace qu’on le dit?